Denai Moore

Interview

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Denai Moore a pris son temps pour sortir son premier album. Découverte il y a déjà deux ans en sortant quelques EPs, la chanteuse anglaise et jamaïcaine de 22 ans a préféré se focaliser sur ses expériences et perfectionner son travail en studio. Elle nous parle ici de l'importance d'écrire des paroles sincères et de son travail de production avec Rodaidh McDonald.

Tu as grandi en Jamaïque et tu t’es installée en Angleterre à l’âge de 7 ans. Quel est ton plus vieux souvenir musical?

Mon père jouait du piano, donc il y avait toujours des instruments à la maison quand j’étais plus jeune. Je crois que mon souvenir le plus vieux date de quand je jouais autour de son piano – ou d’autres instruments qui traînaient – quand il n’était pas là. Il n’aimait pas que je touche à ses instruments ; il avait assez peur que je casse quelque chose (Rires).

Quand as-tu commencé à écrire par toi-même?

J’ai eu ma première guitare après l’école primaire, donc j’ai du commencer à jouer vers 11 ou 12 ans. L’écriture est arrivée un peu par hasard, ce n’était pas voulu. Je me souviens avoir joué ma première chanson à mes parents, et ils étaient juste très surpris, et même assez pris de court.

Quel est le premier album que tu as acheté?

Je crois que c’était soit le premier album de Corinne Bailey Rae, ou celui de Paramore, car j’étais assez fan quand j’étais plus jeune. L’album de Bailey Rae est celui que j’ai écouté le plus en boucle. Elle était l’une des mes inspirations quand j’ai commencé à jouer de la guitare, car elle était aussi une chanteuse/compositrice.

D’autres artistes t-ont-ils inspiré à devenir musicienne?

Oh la la... J’étais à fond sur Lauryn Hill quand j’étais au collège. Mon père m’avait acheté son "Unplugged Session" et je le regardais tout le temps à la maison. Cette session est assez folle : il y a un moment où elle s’effondre et pleure – et fais ce discours sur l’industrie de la musique. Je trouve que c’était une performance tellement humaine. C’est une artiste qui est toujours très sincère dans ses paroles, et dans sa manière de se présenter au monde, et cela est très inspirant.

J’aime les artistes qui ont de l’audace, qui n’ont pas peur de créer le son qu’ils veulent créer. Par exemple, j’adore St Vincent, et j’admire sa carrière ; son évolution durant ces dernières années est très impressionnante.

Je pense que pendant ces 4 dernières années, je me suis rapprochée de la musique folk; des artistes comme Bon Iver et Feist. Et j’ai toujours aimé le hip hop, mais ces deux dernières années, je suis devenue un peu obsédée. C’est intéressant de voir comment mes goûts ont évolué... Mais je dirai que mes influences majeures sont Lauryn, Bon Iver, Feist et Kanye.

Tu es signée chez Because Music depuis 2012. S’ils t’avaient encouragée à sortir un album directement après la signature, penses-tu qu’Elsewhere serait différent ?

Je pense qu’il serait assez différent. Je ne pense pas que j’étais prête à sortir un album à l’époque, car tout était si nouveau pour moi. J’ai eu la chance d’écrire à la maison et de jouer à des soirées open mics. Je n’étais également pas très à l’aise en studio et je n’avais pas encore développé mon son, donc je ne savais pas exactement à quoi je voulais que mon disque ressemble.

Je suis très chanceuse de travailler avec Because. Ils m’ont donné l’espace d’évoluer et d’être plus confiante en studio. J’ai travaillé avec d’autres producteurs avant de travailler avec Rodaidh (McDonald), mais ça valait le coup d’attendre car maintenant, je possède quelque chose que j’adore et dont je suis fière.

En effet, "Elsewhere" a été enregistré par Rodaidh McDonald, dans le studio de XL Recordings. Comment cela s’est-il passé?

J’adorais les albums qu’il avait enregistré auparavant, avec The Xx et Daughter, donc ça me semblait normal qu’il travaille sur mon album. Je me suis sentie très à l’aise avec lui, donc c’était une super expérience. J’aime que l’album soit un mélange de nous deux, car nous l’avons enregistré quasiment que tous les deux, et si nous avions besoin d’un autre instrument – comme un saxophone ou une batterie - nous invitions simplement quelqu’un à venir jouer au studio. Nous avons commencé en mars 2014, et nous l’avons enregistré en grosses tranches.

Je trouve que le studio XL est incroyable. Le premier album de The Xx a été enregistré là-bas, et ça se ressent. C’est très petit, et il n’y a pas beaucoup d’instruments à portée de main, donc on est forcé de se concentrer. Je suis très reconnaissante d’avoir pu enregistrer là-bas.

Quelle était ton approche créative pour "Elsewhere"?

Quand je m’enfermais au studio avec Rodaidh, nous avions cette liberté, et il n’y avait pas beaucoup de gens autour pour nous influencer. C’était un processus très organique et naturel: nous nous influencions réciproquement et c’était juste un environnement très créatif.

Existe-t-il un morceau qui dirige un peu plus l’album?

"I Swore", car je l‘ai écrit après une grande phase de syndrome de la page blanche. J’avais fini l‘université, et c’était un environment étrange. Je créais de la musique, j’étudiais l’écriture en même temps, et je trouvais que les cours étaient un peu durs pour moi. Je ne me suis pas sentie très à l’aise, comme si je ne savais plus comment écrire, puis un jour, "I Swore" est sorti de nul part. C’est le morceau qui a révélé quelque chose en moi, et qui m’a fait ressentir que je vivais quelque chose de nouveau. Puis à partir de là, j’ai écris "Piano Song" et "Feeling".

Il s’agit d’un disque assez mélancolique. Tes paroles ont-elles un élément autobiographique?

Je pense que c’est un mélange d’observation et d’autobiographie. Mon seul objectif en tant qu’artiste est de refléter ce qu’il se passe autour de moi, dans ma vie, ou dans la société en général. Je pense que tous les compositeurs de talents font ça ; Laura Marling fait ça très bien. Il est très important pour moi de capturer la sincérité. Mes paroles sont un livre ouvert car je veux revenir dessus dans cinq ans et me souvenir que c’est un des chapitres de ma vie.

Comment penses-tu que ce premier album te représente au monde?

Je pense qu’il reflète le fait que je suis une compositrice avant tout. Mon son peut évoluer, et je peux devenir une toute autre musicienne, mais je pense que le point commun de tous mes projets, au fond, c’est la sincérité de mes paroles.

Où imagines-tu que les gens vont écouter ton album?

Je dirai qu’idéalement, il faudrait se faire une tasse de thé – car je suis obsédée par le thé – et l’écouter seul, peut-être dans sa chambre, ou là où on est le plus confortable.

Qu’as-tu appris en tant qu’artiste en enregistrant cet album?

Je pense avoir appris que je peux jouer plus d’instruments que je me croyais capable. Et je ne dis pas ça pour frimer! (Rires) Mais je pense que j’ai plus de confiance en moi depuis ces deux dernières années, et que j’ai été assez courageuse sur cet album.

Sur la plupart des morceaux, je joue de la guitare électrique, ce qui est quelque chose que je ne maîtrisais pas très bien avant d’enregistrer l’album. J’ai appris à jouer de la basse, des percussions et différents synthés. En plus d’être confiante, je me suis lâchée un peu plus avec les voix. J’utilisais ma voix comme un instrument, et c’est quelque chose que je faisais moins avant. Je suis plus aventurière maintenant, et je pense que mon prochain album sera du coup une toute autre expérience.

April 2015